Les Journées Européennes du Patrimoine 2015

Albert :

Chaque jour, nous allions "au casse-pipe ", comme nous le disions. Dans les wagons, lors de notre départ, nous avions souvent des hymnes guerriers, pour nous donner "du cœur  au ventre". Mais plus tard, nous avons compris que beaucoup d’entre nous seraient muets pour l’éternité.

Robert :

Quand les ennemis attaquent, nous leur répondons jour et nuit. Imaginez les alentours d’un abreuvoir piétiné par des milliers de bovins. Vous voyez des trous partout où des cadavres flottent comme des mouches. Souvent mes amis croyaient pouvoir se réfugier dans un trou d’obus, car ils pensaient y trouver une sécurité. Pour eux, un obus ne tombait jamais au même endroit. Mais cela était une erreur totale. Je suis certain que près de Verdun, il est tombé plus d’un obus au centimètre carré.

Jules:

Il ne reste plus que vous, Madame Marie. Vous étiez alors une infirmière parmi tant d’autres.

Madame Marie:

Dès le début cette affreuse guerre, je n’ai pas hésité un seul instant à m’investir. Je voulais apporter de l’aide à nos soldats. Bien sûr, j’étais une bénévole. D’ailleurs, nous étions assez nombreuses à avoir eu cette intention. En général, nous étions vêtues d’une simple blouse blanche et nous portions une coiffe. Pour insigne, nous avions une croix rouge. C’était le symbole de la Croix Rouge Française.

Jules:

Où demeuriez-vous ?

Madame Marie:

Sous des tentes installées à une distance minime du champ de bataille, malgré le danger.

Jules :

En quoi consistait votre travail?

Madame Marie:

Tout d’abord nous devions transporter les blessés jusqu’aux hôpitaux. Ensuite, nous devions administrer aux soldats des analgésiques, les aider à faire leur toilette. Il nous fallait également seconder les chirurgiens qui les opéraient.

Jules:

Gaston, pourrais-tu nous décrire rapidement ce qu’étaient les tranchées?

Gaston :

Voici une courte description de l’endroit où nous vivons tous les jours. En 1914, lorsque les adversaires français et allemands se figent sur leurs positions, l’emploi des tranchées prend une nouvelle ampleur avec un front continu qui s’étend sur 750 kilomètres de la Mer du Nord aux Vosges.
Les tranchées sont destinées à protéger les soldats des tirs horizontaux et de la vision de l’ennemi. Ce sont des boyaux creusés dans la terre, en zigzag ou en créneaux pour éviter les tirs en enfilade. On y trouve des abris, des postes de guet et de soins, des nids de mitrailleuse.
On y accède par des boyaux également creusés dans la terre. La protection qu’elles offraient est devenue plus relative avec l’invention et l’utilisation des ballons et avions d’observation et des obus " shrapnel ", puis des armes chimiques produites industriellement et utilisées à grande échelles en 1914-1918.
Côté ennemi, elles sont rendues moins accessibles par des réseaux de barbelés et d’autres obstacles. Ce sera donc le travail des compagnies de sapeurs de creuser des galeries pour poser des explosifs directement sous les tranchées ennemies, plus vite que l’ennemi ne le fait sous les leurs si possible.
C’est l’origine des énormes cratères, ou " marmites ". Pour toutes ces raisons, et à cause de la boue, des rats, des poux, des mouches, de la proximité des cadavres ou des amis ou ennemis qui agonisaient durant des jours parfois à quelques mètres des tranchées, la vie dans les tranchées de 1914-1918 a été particulièrement difficile.

Albert

Quelques courtes précisions sur ce que tu dis si bien, Gaston. Nous creusons des tranchées profondes de 2 mètres et larges de 2 pas. Des clayonnages faits de rondins de bois empêchent les éboulements. Pour nous protéger de la boue, des planches sont posées directement sur la terre. Nous appelons cela : les caillebotis. Mais ces derniers ne servent pas longtemps. Ils s’enfoncent très vite et nous pataugeons à nouveau.

Robert:

Bien sûr, nous avons un gros problème pour dormir. Faute de paille pour nous allonger, nous nous faisons une litière avec des feuilles vertes. Il ne faut pas aussi oublier de parler des guetteurs. Ceux-ci fabriquent souvent des mannequins. Ils les élèvent au-dessus des tranchées pour voir s’ils attirent les balles ennemies. Quelle drôle de vie est la nôtre!

Jules :

Robert, Que mangez-vous la plupart du temps?

Robert :

Bof, vous savez, cela est maigre. Mais nous devons nous faire une raison car souvent cela nous rend malade. La nourriture est l’une de nos principales préoccupations, un problème quotidien. Les cuisines sont à l’arrière. On désigne donc un soldat dans chaque compagnie pour une corvée de ravitaillement.
Les hommes partent avec des bidons jusqu’aux cuisines et reviennent les livrer en première ligne. La nourriture est froide, quand elle arrive. Les combattants sont en général assez mal nourris, lorsqu’ils sont dans les tranchées. La ration est de 750 grammes de pain ou 700 grammes de biscuit, 500 grammes de viande, 100 grammes de légumes secs, du sel, du poivre et du sucre.
Les repas sont souvent arrosés de vin, dont chaque ration est souvent importante pour le combattant. En hiver, c’est le vin chaud, épicé. La nourriture principale du soldat reste le pain. Le soldat porte une ration de combat, composée de 300 grammes de biscuit, dit "pain de guerre", et de 300 grammes de viande de conserve, du " Corned beef" appelé aussi "le singe".
Nous avons chacun un bidon de un à deux litres d’eau. Pour la purifier, nous y jetons des pastilles ou la faisons bouillir. Lors des combats intenses, notre ravitaillement en eau est mal assuré.  La qualité de l’alimentation joue également sur l’état physique du soldat : les cas de dysenteries et de maladies intestinales sont fréquents. La faim, la soif et le besoin de sommeil dominent notre vie quotidienne dans les tranchées.

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